Depuis 2006, Framasoft a mené un projet ambitieux de maison d’édition : des bandes dessinées aux ouvrages techniques en passant par les essais et les manuels informatiques, ce sont près de cinquante ouvrages qui ont été édités, traduits et publiés.

Envisagée surtout comme un moyen de promotion du libre sous toutes ses formes, numériques et culturelles, cette maison d’édition sous le nom Framabook ambitionnait de proposer une façon éthique de travailler, respectueuse des auteurs et autrices et du public : rémunération de 15% en droit d’auteur, contrats non-exclusifs, ouvrages sous licences libres.

Mais qu’attendions-nous vraiment de ce projet ? En définitive, nous nous sommes conformés au modèle économique existant en le rendant plus éthique au regard de l’auteur et de son œuvre… tout en nous heurtant à l’organisation du marché : des libraires et des bibliothèques qui ne sont jamais indépendants des plateformes de distribution, une rémunération des auteurs finalement très faible au regard de la qualité des livres et du marché sclérosé par le nombre, les nombreuses difficultés pratiques pour qu’un auteur puisse faire valoir son œuvre indépendamment du système de distribution existant.

En somme, même sous licence libre, le livre n’est pas libre.

Le projet

Au vu des limites de ces pratiques, il a été décidé aujourd’hui d’aller plus loin, de radicalement changer de paradigme et, comme Framasoft aime à le faire, de proposer une alternative à ce qui semble être la situation d’évidence.

Depuis plus de deux cents ans, l’édition place les auteurs et autrices en situation de subordination économique, s’arroge de fait tous les droits patrimoniaux et n’octroie un revenu aux auteurs et autrices qu’en consacrant une rente liée à cette propriété.

Les auteurs et autrices produisent donc un capital qui ne participe à l’avancement culturel que s’il peut être exploité en tant que valeur marchande monétisée. Cela transforme l’objet culturel en produit industriel comme un autre, sans considération pour la pertinence de ses usages sociaux et sa validité pour le foisonnement des imaginaires.

Avec Des Livres en Communs, Framasoft a décidé de reconnaître la réalité de ce travail en amont, en le rémunérant directement par une bourse, une allocation forfaitaire versée dès la signature de convention, au début du projet de rédaction qui sera bien évidemment accompagné par un éditeur, membre bénévole de l’association.

La mise à disposition libre, sous format électronique, des œuvres une fois achevées, permettra au public d’y accéder sans devoir payer une rente capitaliste. En outre, pour ne pas changer nos habitudes, il a été décidé d’assumer une mise en avant plus active des communs culturels, par la proposition systématique de placer le résultat du travail sous une licence dite à copyleft (Licence Art Libre, GNU FDL ou Creative Commons BY SA) afin d’en éviter l’enclosure à l’avenir, même partielle, et de garantir à tous les agents culturels futurs un libre accès d’usage et de réutilisation.

Cela implique aussi une refonte de la chaîne éditoriale. Elle aussi pourra présenter quelques aspects innovants qui seront eux-mêmes documentés afin que d’autres maisons d’édition puissent s’en inspirer. La création d’outils simples avec un manuel d’usage est en cours, afin de permettre à de petites structures de s’en emparer pour, à leur tour, produire du contenu culturel. Il sera possible d’éditer et d’imprimer les œuvres, suivant quelques indications faciles à suivre.